A l’occasion du Paris Virtual Film Festival organisé au Forum des images, nous souhaitions faire des courtes critiques des oeuvres en Réalité Virtuelle que nous avons eu la chance de voir, et faire un bilan de ce que pourrait être la VR à l’avenir.
THE ROSE AND I
de Eugene Chung, Jimmy Maidens, Alex Woo
États-Unis 2016 coul. 5 min Production : Penrose Studios
C’est la première oeuvre que j’ai choisi, ici, j’étais uniquement spectateur. je pouvais choisir de regarder les planètes devant et derrière moi, je suis d’ailleurs totalement passé à côté du sujet principal, c’est à dire du Petit Prince (de Saint-Exupéry) s’occupant de sa fleur.
Pas un grand intérêt à a VR ici du coup, car en plus de ne pas vraiment donner d’indication sur ce qu’il faut regarder (en se servant du son par exemple), le message de l’oeuvre pourrait très bien se passer de la VR. Un peu déçu de cette démo technique plus qu’autre chose, j’enlève mon casque et je demande la diffusion de la deuxième expérience.
NOTES ON BLINDNESS : INTO DARKNESS
de Arnaud Colinart, Amaury La Burthe, Peter Middleton, James Spinney | France / Grande Bretagne | Version en anglais 2016 coul. 10min | Production : Ex Nihilo, Archer’s Mark, Audiogaming, Arte France
C’est durant cette diffusion que j’ai compris quel intérêt pouvait avoir la VR pour raconter une histoire. Ici, il s’agît bel et bien d’une expérience. Cette dernière est basée sur le journal intime audio de John Hull, professeur de théologie et écrivain, devenu aveugle en 1983. Je me retrouve donc dans un décors entièrement noir, parsemé de quelques points bleus brillants. Le narrateur nous explique que les sons permettent aux aveugles de créer un diaporama. Ils peuvent finalement voir et comprendre ce qui se déroule autour d’eux. A chaque son autour de moi (une page de journal qui se tourne, des gens faisant leur jogging, les enfants en train de jouer, les bruits des barques, les oiseaux) le décors se dessinait petit à petit.
Le deuxième chapitre se déroulait sur le porche de la maison, je devais suivre un oiseau du regard et dévoiler les divers éléments autour de moi en faisant du vent (grâce au bouton d’action du casque). C’est alors que les branches, les buissons, les balançoires et divers éléments apparaissaient autour de moi. Tout d’un coup, un éclair à frapper au loin, faisant apparaitre une immense vague de lumière.
Ensuite, j’étais à l’intérieur de la maison, pendant l’orage, et je devais fixer du regard les divers récipient présents autour de moi afin de faire apparaitre les gouttes d’eaux provenant des trous du toit. Plus les récipients se dévoilaient, plus la mélodie des gouttes d’eau dessinaient une jolie mélodie. J’aurais pu rester des heures tellement c’était apaisant.
Le dernier chapitre se déroulait dans une église, ou seul le pianiste ainsi que la chorale étaient très distinctifs.
Une très belle expérience, ou l’interactivité était nécéssaire pour avancer et déclencher la suite des différents événements. Très beau visuellement (difficile de voir les défauts quand l’image est aussi minimaliste) et très réussi dans le message qu’il veut faire passer, rendant la VR utile et novatrice. Difficile de retourner à la réalité en enlevant le casque
SENS
Charles Ayat, Armand Lemarchand, Marc-Antoine Mathieu | France 2016 coul. 10 min
Production : Red Corner
Sens est un jeu interactif au graphisme très minimalistes (principalement en noir et blanc) ou il faut chercher et fixer des flèches pour avancer dans le décors. J’ai parfois dû me plier en deux pour regarder tout en bas dans le vide. Une expérience sympathique mais qui reste totalement dans le domaine du jeu vidéo. Le spectateur est indispensable pour faire avancer l’intrigue, mais n’est pas présent dans l’univers, il est un peu comme un cameraman qui n’a pas lu le story board, il cherche ce qu’il faut filmer et l’acteur avance en conséquence. A creuser !
INSIDE THE BOX OF KURIOS
Michel Laprise, Félix Lajeunesse & Paul Raphaël | Canada 2015 coul. 10 min
Production : Felix & Paul Studios, Cirque du Soleil Média
Ici la camera est posé au centre de la scène ou une troupe de cirque joue son spectacle. Pas très intéressant, un peu comme la première expérience, on ne sent pas impliquer et l’on pourrait autant assister à ce spectacle si une simple camera avait filmé la troupe en plan large depuis les gradins.
I, PHILIP
Pierre Zandrowicz | France 2016 Version en anglais 2016 coul. 14 min
Production : Okio Studio, Saint George Studio, Arte France
Bluffant de transitions simples et bien pensées et d’un univers prenant qui nous met dans la peau d’un androïde qui se considère humain. La réalisation est atypique et utilise bien les possibilités de la VR. J’ai passé un bon moment et que je me suis laissé emporté par la narration, un peu comme si je me mettais dans la peau du protagoniste. Ce que l’on fait inconsciemment dans les séries et films : on s’identifie et s’attache à certains personnages. Là on est une part du personnage principal. Les transitions « numériques » aident, car elles nous donnent l’impression d’être la machine elle-même.
THE ARK
Kel O’Neill, Eline Jongsma | États-Unis / Pays-Bas | vo 2016 coul. 7min30
Production : Brandon Zamel, Katie
Ce n’est pas possible de faire un documentaire où sont interposés deux interviews côte à côte en deux écrans distincts sur 360° et de leur donner la parole à tour de rôle. Les transitions sont sympathiques mais utilisées à tort et à travers sans conscience de la nuque du spectateur. Et je ne parle pas du son, parfois trop fort, alors qu’on met souvent l’accent sur son importance accrue dans le cas de la VR. Ainsi, je ne sais pas si c’est la réalisation qui manque d’ingéniosité ou simplement le côté documentaire qui ne convient pas au support, mais j’ai passé un moment désagréable. Petit moins, l’absence de sous-titres dû à une limitation technique de la VR, « rattrapé » par des annotations en 360° désagréables à lire.
Je pense que le documentaire ne convient pas à la VR. À moins d’être très ingénieux.
INVASION!
Eric Darnell | États-Unis 2016 coul. 6 min
Production : Baobab studios
C’est une animation sympathique et amusante. Il n’y a pas beaucoup à dire de plus, c’est simple et ça ne vaut clairement pas les court métrages de Pixar. Sans compter que ça n’exploite que très peu la VR, voir pas du tout. Puisqu’on pourrait voir ça avec une meilleure réalisation et l’intégration d’un personnage (immobile) qui prendrait la place de la caméra et le tout sans être en VR.
DMZ : MEMORIES OF A NO MAN’S LAND
Hayoun Kwon | France | Version en anglais 2015 coul. 4min40 min
Production : INNERSPACE VR
Un synopsis qui donne bien plus envie que le film lui-même. C’est confus dans la narration et dans la présentation du « no man’s land ». De plus, la réalisation n’utilise aucun code particulier et se permet des cut sans raisons. Cela dit, c’est également son charme, car on ressent que c’est un film d’essai qui cherche à exploiter au mieux la VR tout en réapprenant les codes du cinéma par rapport au support. Enfin, on se laisse facilement emporter dans l’expérience poétique proposée et on comprend les sensations que l’auteur cherche à partager avec nous.
Il faut dire que les 8 programmes que nous avons vu posent plusieurs grandes questions auxquelles nous avons pu trouver des réponses, collectivement, autour d’une table ronde animée par Morgan Bouchet (@morganbouchet), Michel Reilhac @michelreilhac et Philippe Fuchs qui posait la question : « Quel avenir pour la VR ? »
La première étant : Est-ce que la VR se doit d’être interactive pour être intéressante ? Si l’on regarde NOTES ON BLINDNESS : INTO DARKNESS, l’expérience est justement très réussie parce que l’oeuvre nous demande d’interagir avec elle afin de faire avancer l’action, nous existons au sein de cet univers, nous sommes le sujet principal de l’expérience. L’histoire ne peu pas être racontée sans nos actions. Pour ce qui est de I,Philip, l’interaction n’est pas présente mais les protagonistes s’adresse directement à nous. Nous sommes dans la peau de quelqu’un d’autre mais nous sommes présents, nous avons un rôle, même passif. Il est donc important d’impliquer le « spéct-acteur » au sein de l’oeuvre pour se démarquer d’une oeuvre visuelle traditionnelle.
D’ailleurs, est-ce que l’on peut parler de « Cinéma Virtuel » ? Du cinéma ? Du jeu vidéo ? Certes, alors que le jeu vidéo n’était pas encore très bien vu il y a quelques décennies, c’est aujourd’hui une immense industrie, qui a les moyens de créer, développer et vendre de nouvelles technologies, il va donc falloir que les cinéastes apprennent un nouveau langage cinématographique pour exploiter de manière intéressante toutes les possibilités offertes par la VR afin que cette dernière ne reste pas dédié entièrement au jeu vidéo, mais permettent aussi de raconter des histoires fortes, prenantes, tout en faisant vivre des expériences encore jamais vues. Il s’agirait donc d’un tout nouveau médium, mélangeant plus que jamais le cinéma et le jeu vidéo.
Il se pose aussi la question de la technologie actuelle, les casques ne permettent encore que très peu d’interagir avec le monde virtuel autrement qu’avec son regard (à part quelques casques onéreux comme le HTC Vibes). Nous ne sommes qu’au tout début de cette technologie, Sony va lancer son PlayStation VR pour la Playstation 4 à la fin de l’année qui sera le premier casque à cibler plus de 30 millions de joueurs avec un très grand nombre de jeux prévus dès le lancement commercial. Est-ce que le grand public est prêt ? Le format va avoir beaucoup de mal à se développer si la demande est faible. Il va donc falloir que de nouvelles idées et une nouvelle grammaire se développent afin d’amener la VR dans les foyers pour proposer une narration nouvelle accompagnée une technique plus poussée.